Le but de la dissertation
Il s'agit avant tout de philosopher,
c'est-à-dire s'efforcer de se mettre d'accord avec
soi-même, de dépasser le stade de l'opinion qui consiste
à se croire d'accord avec soi en ignorant ses propres contradictions.
Mais contrairement aux dialogues de Socrate, c'est un exercice
qui porte sur des sujets qui ne touchent que rarement les préoccupations
immédiates de leurs auditeurs. Le but est d'avantage de
prouver une certaine agilité intellectuelle que de se connaître
soi-même, mais c'est un exercice utile pour améliorer
son aptitude à philosopher intelligemment.
Ce qu'on attend de vous
1/ Que face à une question,
une affirmation ou même une simple notion, vous sachiez poser
les problèmes, apercevoir les difficultés sous-jacentes.
Ex : Qu'est-ce
que le beau? => Pouvons-nous nous prononcer sur la réalité
du beau dans la mesure où il relève du jugement subjectif
? (la position du problème consiste à reprendre
la question en montrant sa difficulté inhérente.)
2/ Que vous établissiez une problématique, c'est-à-dire
que vous réfléchissiez aux conditions de possibilité
d'une solution du problème et d'une réponse
à la question.
Ex:
a/ Dans quelle mesure le beau est-il définissable : y
a-t-il une unité des différentes choses que nous qualifions
de belles ?
b/ Si nous
pouvons définir le beau, ne devons nous pas pouvoir en déduire
ce qui est beau au risque de heurter la sensibilité
particulière de chacun ?...
2/ Que vous élaboriez des concepts à propos des
notions en jeu dans votre réflexion.
Ex: distinguer
le beau de l'agréable, s'interroger sur ses relations
avec le bien, le vrai, le laid en se demandant ce qui produit en nous
la notion en jeu : l'œuvre d'art, le désir, le besoin
?
3/ Que vous tâchiez d'argumenter les thèses
que vous défendez, au lieu de vous contenter d'affirmations
gratuites, sans tenir compte des raisons qui poussent d'autres
personnes à penser autrement que vous, sans chercher honnêtement
à les convaincre.
Ex : Il n'y
a pas de définition possible du beau parce que 'nous ne
désirons pas un objet parce que nous jugeons qu'il est
beau mais nous ne jugeons qu'un objet est beau que parce que nous
le désirons'...
Cela correspondrait aux arguments
de Spinoza; pour développer une thèse contraire, on
pourrait se servir de Kant. D'où l'intérêt
de l'histoire de la philosophie
mais il ne s'agit pas de laisser d'autres auteurs penser à
sa place : il s'agit seulement de les utiliser pour mettre à
l'épreuve de la cohérence d'autres auteurs notre
propre cohérence mentale. Et comprendre une argumentation,
c'est déjà penser par soi-même, de même
qu'on ne peut reprendre une démonstration mathématique,
mille fois effectuée par d'autres, sans la comprendre soi-même.
Comment procéder ?
1/ Lire le sujet, le recopier,
l'apprendre par cœur, le reformuler en conservant le sens, tout
en s'efforçant de le préciser.
2/ Dans quel contexte
est-on amené à se poser cette question ou à parler
de cette notion ?
3/ Analyser les concepts
en jeu.
4/ Analyse des présupposés
du sujet : ce que même en posant une question, on a l'air
de supposer acquis alors que le travail philosophique consiste justement
à s'interroger sur les évidences non critiquées.
5/ Analyses des implications
d'une réponse positive ou négative au sujet, ou
de telle ou telle définition attendue
Ex. : si le beau, ce n'est
que "ce qui me plaît" alors, il y a autant de façons
d'être beau qu'il y a d'individus...
6/ Quel est le problème
ou la question de fond ?
7/ Etablir la problématique
qui servira de plan. Il s'agit de montrer à partir du sujet
lui-même pourquoi chacune de vos parties est nécessaire.
8/ Détailler chacune
des parties, en tenant compte des objections qu'on pourrait vous
faire au fur et à mesure : êtes vous bien cohérent
? Ne vous appuyez-vous pas sur des présupposés douteux
? Ne vous écartez-vous pas du sujet et du problème ?
9/ Rédiger :
a/ l'introduction
amène le sujet, pose le problème (qu'il s'agira
de formuler de façon de plus en plus précise au cours
de la dissertation), annonce le plan, c'est-à-dire la problématique
qui l'ordonne.
b/ Les parties sont le traitement argumentatif et conceptuel
des questions contenues dans la problématique, en vue d'une
solution au problème qui peu à peu se précise.
Chaque nouvelle partie doit apparaître comme nécessaire
vis-à-vis de la précédente, à partir d'une
transition.
c/ Diviser chaque partie en paragraphes, en vue de clarifier
sa propre pensée : une question précise (en rapport
avec un présupposé du sujet ou une objection à
ce que vous avez dit jusqu'à présent), une réponse,
une argumentation convaincante, un exemple, autant pour vous rendre
plus facilement compréhensible que pour montrer que vous parlez
bien du réel et non pas de choses complètement abstraites.
d/ La conclusion récapitule dans l'ordre vos réponses
aux questions et au problème de l'introduction.